Confinés, nous avons pu enfin goûter à “l’art de vivre” d’Echallens, à la mobilité douce, et découvrir un bourg de campagne mis en valeur, où rien ne nous a manqué si ce n’est la possibilité d’honorer les petits commerces locaux essentiels à notre vie sociale. La crise sanitaire a au moins eu cela de bon qu’elle a fait réfléchir des Challensois : quel est l’avantage de voir Echallens devenir le grand centre régional annoncé? Faut-il vraiment poursuivre des projets pharaoniques qui, comme chacun le sait, se feront aux dépends et aux frais des contribuables? Conscients que leur zone d’influence n’est que locale, à la mesure de leur quartier ou de leur commune, certains membres de notre association, menés par Jean-Luc Schmalz, souhaitent lancer une réflexion sur l’avenir d’Echallens. Une initiative citoyenne, sorte de “task force locale” composée de citoyen-ne‑s issus de divers milieux, chargée d’interroger de manière pluridisciplinaire l’ensemble des projets de la Commune et d’émettre des hypothèses de changements lors d’Etats-généraux. Notre association, qui partage cette envie, ce fait ici le relais de ce mouvement qu’elle soutient. Découvrez ci-dessous le manifeste de Jean-Luc Schmalz. Et si vous souhaitez vous aussi participer à cette démarche exploratoire, inscrivez-vous!
L’APRÈS COVID… «UN ÉBRANLEMENT INTIME ET COLLECTIF»… VRAIMENT?
- Par Jean-Luc Schmalz -
En plein confinement et au détour des lectures dégustées avec passion, de nombreuses voies se font écho d’une vraie prise de conscience pour la sortie de cette période inimaginable à l’heure des vœux du Nouvel-an. Chacun y va de ses hypothèses et commentaires pour «le monde de demain», avec le secret espoir que, comme beaucoup le disent, cette crise se transformera en opportunité unique. Va-t-on réellement se remettre en question et profiter de ces temps de repli pour s’ouvrir à de nouveaux possibles? Allons-nous vraiment nous réinventer? Notre bourg doit-il se développer à tous crins? Quels sont nos réels besoins? Qu’est-ce qui nous a manqué? De vraies questions existentielles qui devraient à l’évidence se situer au cœur de nos futures réflexions et débats. Par quoi avons-nous été émerveillé? Et si nous le rendions possible, au moins dans nos cercles d’influence!!
UNE VIE AXÉE SUR «L’ÊTRE» PLUTÔT QUE «L’AVOIR»
«Première leçon du coronavirus: il est stupéfiant de constater qu’il est possible, en quelques semaines, de suspendre partout dans le monde et au même moment, un système économique dont on nous disait jusqu’ici qu’il était impossible à ralentir ou à rediriger.» Bruno Latour
À la lecture de ces lignes, nous dirions, d’entrée de jeu, que le divorce est de plus en plus manifeste entre, d’un côté, les valeurs de l’économie dominante, et de l’autre, des valeurs de société portées par les mouvements sociaux et écologiques. Dans son «opinion» publiée par le magazine économique Bilan du 10 avril dernier, intitulé «Coronavirus, la faillite de la logique marchande», Myret Zaki corrobore cette idée en afffirmant: «Avec la planche à billets, rien ne sera appris». Une croissance pour la croissance, souvent illustrée par cette «planche à billets», par une frénésie de la consommation, ou encore par un bétonnage à tout va, vient souvent percuter une lecture plus holistique de la carte du monde, attentive à une répartition des ressources mesurées, une économie intégrée et une qualité de vie axée sur «l’être» plutôt que «l’avoir». Il est également important de relever que les écarts de classes se creusent. Chacun‑e s’accorde à dire que, par exemple, les mesures de confinement sont vécues très différemment à la campagne ou entre les quatre murs étroits d’un petit appartement en pleine ville. C’est d’ailleurs grâce à notre condition de confiné-e‑s, que nous avons vraiment pu goûter «l’art de vivre» d’Echallens, assorti de vraies conditions de mobilité douce, tant souhaitée par nos habitant-e‑s. Un bonheur retrouvé, après des années où les chapelets de véhicules viennent étouffer notre pauvre cité par leurs transits permanents. Un bourg de campagne, mis en valeur, où rien ne nous a manqué, si ce n’est la possibilité d’honorer nos petits commerces locaux, essentiels à notre vie sociale.
Dans ce contexte là, l’importance des espaces-ressources, en particulier les verts n’ont pas de prix. Ces poumons naturels porteurs d’une biodiversité essentielle aux équilibres naturels, deviennent essentiels. Non pas ceux labellisés «eco» que les promoteurs essaient de nous vendre dans un esprit de greenwashing ou de marketing teinté de mercantilisme. Ceux qui tiennent compte d’un développement durable, pensé autour des trois piliers que sont le social, l’écologie et l’économie, tout en veillant aux dimensions vivables, viables et équitables. Pourtant, depuis quelques années, chacun‑e a pu lire ou entendre, de nombreux scientifiques rappeler que le réchauffement climatique pourrait causer des millions de morts d’ici à peine dix ans, et vraisemblablement des milliards d’ici quelques décennies, malheureusement sans grand effet. Pire, de nombreux territoires de la planète risquent de devenir inhabitables si l’on poursuit la trajectoire actuelle de nos émissions de carbone. Et toujours pas de réaction, juste un petit espoir lorsque Larry Fink, patron du premier gérant d’actifs BlackRock, estime que l’économie rebondira non sans modifier certains de nos comportements. Ce sera aussi l’opportunité de travailler à un monde plus durable.
Alors étonnant de constater que ces risques monumentaux n’ont provoqué que de petits ajustements mondiaux et qu’inversement la pandémie du Covid-19 a anéanti en quelques jours l’argument des intérêts économiques, régulièrement mis en avant pour justifier l’inertie face à la crise écologique? Enfin, pour faire bon poids et compléter le tableau de notre réalité actuelle, ajoutez l’importance primordiale des liens sociaux, symbolisés actuellement par les «apéros-balcons». Qui n’a pas vu ces perches de bambou surmontées de coupes de champagne qui viennent s’entrechoquer d’un balcon à l’autre, au cœur d’une Italie meurtrie, reflet vivant de ces besoins relationnels indispensables.
PLUS ÇA CHANGE.…. PLUS C’EST LA MÊME CHOSE?
«La folie, c’est de se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent.» Albert Einstein
Les mèches blanches de nos tignasses, laissées à l’abandon durant plusieurs semaines, nous rappellent que dans les années 60 et 70, un courant de pensée a vu le jour sous l’impulsion de plusieurs chercheurs: la systémique. Auréolée par ses célèbres scientifiques comme Bateson, Watzlawick, ou encore Erickson, et souvent citée en exemple, l’école de Palo Alto a donné le ton d’une «nouvelle» communication. Cette approche a bouleversé les modèles du passé en proposant de nouveaux paradigmes qui ont rendus les autres caduques. Aujourd’hui encore, ce courant de pensée continue à influencer nos pratiques.
Une bribe de leurs travaux fait écho à la profonde crise que nous vivons aujourd’hui. Pour eux, il y a deux types de changement qu’ils nomment simplement de niveau 1 ou 2. Pour illustrer le niveau 1, la boutade, «plus ça change et plus c’est la même chose» est idéale. Dis autrement, lorsque les «solutions de bon sens» créent un peu plus de permanence, il entre alors en crise et cela signifie qu’au sein du système, des changements d’un autre niveau, celui de type 2, s’imposent, et s’ils ne sont pas introduits, le système régresse et s’effondre. Le deuxième niveau se caractérise par le fait que c’est le système lui-même qui se modifie ou qui est modifié. L’accès au changement 2 dans un système humain nécessite que les règles qui le régissent subissent des transformations. Et cette modification des règles d’un système humain relève, d’une reconstruction de la réalité, d’un changement d’hypothèses de base ou de présupposés.
«Ce qui était impossible il y a quelques mois est devenu possible en quelques jours !!» C’est ce qu’affirmait l’autre jour un certain Bill Gates, réveillé au petit matin, dans un monde qui a changé. Alors, sans ambition globale ou mondiale, sans révolution, juste un besoin de porter un regard différent depuis ce séisme covidien. Juste le besoin de donner du sens à nos actions dans nos petits cercles d’influence au cœur de notre environnement proche, où nous pouvons agir. Si on ne profite pas de cette événement pour pratiquer un changement de niveau 2, alors il ne se fera jamais! C’est ce que Corinne Samama appelle le «new normal».
«Le new normal désigne la nouvelle normalité dans laquelle nous sommes entrés, caractérisée par l’incertitude et le changements permanents. Nos repères traditionnels n’ont désormais plus cours, rien ne redeviendra comme avant, plus rien ne sera désormais normal.»
Pour nous permettre une sortie de crise «par le haut», qui tire des leçons de la situation exceptionnelle que nous traversons, et afin d’éviter une sortie «par le bas» précipitée par les sirènes de groupes de pressions, le «think different» de Steve Jobs et la notion de «new normal» deviendront précieux pour éclairer nos pratiques. Au croisement des hypothèses et des projections pour le futur, une majorité de constats d’après crise mettent l’accent sur un «monde de demain» nourri par les approches interdisciplinaires. Bien au-delà des divers domaines issus de la médecine, abondamment sollicités depuis de nombreuses semaines, toutes les disciplines en sciences humaines et sociales sont concernées par ces lendemains devenus sombres. Associées aux multiples autres domaines scientifiques, techniques et économiques, nous devrions retrouver de nouvelles pistes inspirantes.
UN MONDE D’APRÈS QUI NE SOIT PAS CELUI D’AVANT-HIER
«On disait qu’il était impossible de tout arrêter, on l’a fait en deux mois. Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour voir ce qu’on garde ou pas, c’est gâcher une crise, c’est un crime.» Bruno Latour
La crise mondiale liée au Covid-19 nous oblige donc à penser bien au-delà de l’urgence sanitaire planétaire, elle met en lumière les limites du fonctionnement de nos sociétés, ainsi que nos différents modèles de pensée. Nous voilà donc face à un choix crucial: soit nous nous battons pour revenir à la situation que nous avions auparavant, assorti de plans de relance pour soutenir le statu quo, et conserver ainsi des modèles sociaux, économiques ou environnementaux obsolètes; soit nous investissons dans de nouveaux modèles pour sortir de la crise en meilleure forme que nous y sommes entrés, prêts pour un avenir: durables, inclusifs, compétitifs, afin d’atteindre une situation plus équitable, équilibrée, porteuse de sens, qui englobe les nouvelles donnes révélées par la crise que nous traversons. Clairement, nous militons pour que le monde d’après ne devienne pas celui d’avant-hier. Fort du constat inspiré des stoïciens, et qui défend l’idée qu’il importe de «faire ce qui dépend de nous, plutôt que de se lamenter sur ce qui n’en dépend pas», nous sommes pleinement conscients que notre zone d’influence n’est que locale, à la mesure de notre quartier, de notre commune ou au mieux de notre région.
C’est donc dans ce périmètre que nous souhaitons réagir ensemble, de manière décisive et innovante sans nous laisser enfermer par les pressions économiques et politiques qui ne doivent en aucun cas se substituer à la démocratie et aux négociations sociales. Ainsi nous pensons qu’il est indispensable de se donner un temps court, libre de toutes ces pressions, afin de prendre le recul nécessaire. Nous le savons par expérience, même dans les situations très contraintes, il importe de prendre du temps pour envisager l’avenir.
C’est pourquoi, en partant de l’idée du «glocal», initié par Xavier Comtesse, nous souhaitons lancer une initiative citoyenne pour notre commune et notre région. Elle vise à mettre immédiatement sur pied une structure de transition, une «task force locale», un peu à l’image des «ateliers participatifs» mis en place par les autorités, ou de la «constituante» créée en 1999 au niveau cantonal. Composée de citoyen-ne‑s, de représentant-e‑s du cru, issu-e‑s de divers milieux (social, médical, économique, formation, sécurité, transport, urbanisme, informatique, logistique et politique). Bref, une structure temporaire et indépendante, chargée d’interroger de manière pluridisciplinaire l’ensemble des projets de la Commune. Ensuite, dans une sorte «d’Etats généraux», elle aurait pour mission d’émettre des hypothèses de «new normal», qui devraient inclure les nouveaux paramètres venus s’inviter à nos tables de «pestiférés». Au centre du débat trôneront à l’évidence les économies qui se sont totalement effondrée en deux mois. Comment poursuivre des projets parfois pharaoniques, alors que chacun sait que le «principe de planche à billets» relevé plus haut, se fera comme d’habitude au frais du contribuable? Alors, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles! Pourquoi ne pas imaginer que la première action serait de demander aux autorités communales un moratoire temporaire sur l’ensemble des projets communaux en cours, afin de permettre le déroulement de cette démarche exploratoire? Non, nous ne voulons pas être une nouvelle fois les dindons de la farce et souhaitons, comme citoyen-n-e‑s, devenir acteur de ce changement de deuxième niveau en proposant une démarche pro-active et novatrice, dans un monde en plein «ébranlement intime et collectif», ou le rythme et l’humain reprennent une place centrale.
«Aujourd’hui … Ils ne savaient pas que c’était impossible … alors ils l’on fait !!» Mark Twain
Ces propos vous parlent? Alors, venez rejoindre notre envie de concevoir «un art de vivre» challensois qui tienne compte des nouveaux paramètres qui se sont invités dans nos vies. Notre objectif est simple: constituter un groupe pluridisciplinaire du cru, qui réfléchisse et tente d’engager la discussion avec les autorités, sur les leçons tirées de l’actuelle épidémie Covid-19. La nécessité de modifier en profondeur le fonctionnement de nos sociétés est évidente. Echallens n’échappera pas à cette règle, et pour ne rien vous cacher, nous ne voyons aucun avantage à ce que notre bourg devienne le grand centre annoncé. Et pour paraphraser notre conseiller fédéral, il est temps d’agir aussi vite que possible, uniquement pour un développement nécessaire.
- Jean-Luc Schmalz -
Posted: 25 avril 2020 by ASE
Pour que le monde d’après ne devienne pas celui d’hier
Confinés, nous avons pu enfin goûter à “l’art de vivre” d’Echallens, à la mobilité douce, et découvrir un bourg de campagne mis en valeur, où rien ne nous a manqué si ce n’est la possibilité d’honorer les petits commerces locaux essentiels à notre vie sociale. La crise sanitaire a au moins eu cela de bon qu’elle a fait réfléchir des Challensois : quel est l’avantage de voir Echallens devenir le grand centre régional annoncé? Faut-il vraiment poursuivre des projets pharaoniques qui, comme chacun le sait, se feront aux dépends et aux frais des contribuables? Conscients que leur zone d’influence n’est que locale, à la mesure de leur quartier ou de leur commune, certains membres de notre association, menés par Jean-Luc Schmalz, souhaitent lancer une réflexion sur l’avenir d’Echallens. Une initiative citoyenne, sorte de “task force locale” composée de citoyen-ne‑s issus de divers milieux, chargée d’interroger de manière pluridisciplinaire l’ensemble des projets de la Commune et d’émettre des hypothèses de changements lors d’Etats-généraux. Notre association, qui partage cette envie, ce fait ici le relais de ce mouvement qu’elle soutient. Découvrez ci-dessous le manifeste de Jean-Luc Schmalz. Et si vous souhaitez vous aussi participer à cette démarche exploratoire, inscrivez-vous!
L’APRÈS COVID… «UN ÉBRANLEMENT INTIME ET COLLECTIF»… VRAIMENT?
- Par Jean-Luc Schmalz -
En plein confinement et au détour des lectures dégustées avec passion, de nombreuses voies se font écho d’une vraie prise de conscience pour la sortie de cette période inimaginable à l’heure des vœux du Nouvel-an. Chacun y va de ses hypothèses et commentaires pour «le monde de demain», avec le secret espoir que, comme beaucoup le disent, cette crise se transformera en opportunité unique. Va-t-on réellement se remettre en question et profiter de ces temps de repli pour s’ouvrir à de nouveaux possibles? Allons-nous vraiment nous réinventer? Notre bourg doit-il se développer à tous crins? Quels sont nos réels besoins? Qu’est-ce qui nous a manqué? De vraies questions existentielles qui devraient à l’évidence se situer au cœur de nos futures réflexions et débats. Par quoi avons-nous été émerveillé? Et si nous le rendions possible, au moins dans nos cercles d’influence!!
UNE VIE AXÉE SUR «L’ÊTRE» PLUTÔT QUE «L’AVOIR»
«Première leçon du coronavirus: il est stupéfiant de constater qu’il est possible, en quelques semaines, de suspendre partout dans le monde et au même moment, un système économique dont on nous disait jusqu’ici qu’il était impossible à ralentir ou à rediriger.» Bruno Latour
À la lecture de ces lignes, nous dirions, d’entrée de jeu, que le divorce est de plus en plus manifeste entre, d’un côté, les valeurs de l’économie dominante, et de l’autre, des valeurs de société portées par les mouvements sociaux et écologiques. Dans son «opinion» publiée par le magazine économique Bilan du 10 avril dernier, intitulé «Coronavirus, la faillite de la logique marchande», Myret Zaki corrobore cette idée en afffirmant: «Avec la planche à billets, rien ne sera appris». Une croissance pour la croissance, souvent illustrée par cette «planche à billets», par une frénésie de la consommation, ou encore par un bétonnage à tout va, vient souvent percuter une lecture plus holistique de la carte du monde, attentive à une répartition des ressources mesurées, une économie intégrée et une qualité de vie axée sur «l’être» plutôt que «l’avoir». Il est également important de relever que les écarts de classes se creusent. Chacun‑e s’accorde à dire que, par exemple, les mesures de confinement sont vécues très différemment à la campagne ou entre les quatre murs étroits d’un petit appartement en pleine ville. C’est d’ailleurs grâce à notre condition de confiné-e‑s, que nous avons vraiment pu goûter «l’art de vivre» d’Echallens, assorti de vraies conditions de mobilité douce, tant souhaitée par nos habitant-e‑s. Un bonheur retrouvé, après des années où les chapelets de véhicules viennent étouffer notre pauvre cité par leurs transits permanents. Un bourg de campagne, mis en valeur, où rien ne nous a manqué, si ce n’est la possibilité d’honorer nos petits commerces locaux, essentiels à notre vie sociale.
Dans ce contexte là, l’importance des espaces-ressources, en particulier les verts n’ont pas de prix. Ces poumons naturels porteurs d’une biodiversité essentielle aux équilibres naturels, deviennent essentiels. Non pas ceux labellisés «eco» que les promoteurs essaient de nous vendre dans un esprit de greenwashing ou de marketing teinté de mercantilisme. Ceux qui tiennent compte d’un développement durable, pensé autour des trois piliers que sont le social, l’écologie et l’économie, tout en veillant aux dimensions vivables, viables et équitables. Pourtant, depuis quelques années, chacun‑e a pu lire ou entendre, de nombreux scientifiques rappeler que le réchauffement climatique pourrait causer des millions de morts d’ici à peine dix ans, et vraisemblablement des milliards d’ici quelques décennies, malheureusement sans grand effet. Pire, de nombreux territoires de la planète risquent de devenir inhabitables si l’on poursuit la trajectoire actuelle de nos émissions de carbone. Et toujours pas de réaction, juste un petit espoir lorsque Larry Fink, patron du premier gérant d’actifs BlackRock, estime que l’économie rebondira non sans modifier certains de nos comportements. Ce sera aussi l’opportunité de travailler à un monde plus durable.
Alors étonnant de constater que ces risques monumentaux n’ont provoqué que de petits ajustements mondiaux et qu’inversement la pandémie du Covid-19 a anéanti en quelques jours l’argument des intérêts économiques, régulièrement mis en avant pour justifier l’inertie face à la crise écologique? Enfin, pour faire bon poids et compléter le tableau de notre réalité actuelle, ajoutez l’importance primordiale des liens sociaux, symbolisés actuellement par les «apéros-balcons». Qui n’a pas vu ces perches de bambou surmontées de coupes de champagne qui viennent s’entrechoquer d’un balcon à l’autre, au cœur d’une Italie meurtrie, reflet vivant de ces besoins relationnels indispensables.
PLUS ÇA CHANGE.…. PLUS C’EST LA MÊME CHOSE?
«La folie, c’est de se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent.» Albert Einstein
Les mèches blanches de nos tignasses, laissées à l’abandon durant plusieurs semaines, nous rappellent que dans les années 60 et 70, un courant de pensée a vu le jour sous l’impulsion de plusieurs chercheurs: la systémique. Auréolée par ses célèbres scientifiques comme Bateson, Watzlawick, ou encore Erickson, et souvent citée en exemple, l’école de Palo Alto a donné le ton d’une «nouvelle» communication. Cette approche a bouleversé les modèles du passé en proposant de nouveaux paradigmes qui ont rendus les autres caduques. Aujourd’hui encore, ce courant de pensée continue à influencer nos pratiques.
Une bribe de leurs travaux fait écho à la profonde crise que nous vivons aujourd’hui. Pour eux, il y a deux types de changement qu’ils nomment simplement de niveau 1 ou 2. Pour illustrer le niveau 1, la boutade, «plus ça change et plus c’est la même chose» est idéale. Dis autrement, lorsque les «solutions de bon sens» créent un peu plus de permanence, il entre alors en crise et cela signifie qu’au sein du système, des changements d’un autre niveau, celui de type 2, s’imposent, et s’ils ne sont pas introduits, le système régresse et s’effondre. Le deuxième niveau se caractérise par le fait que c’est le système lui-même qui se modifie ou qui est modifié. L’accès au changement 2 dans un système humain nécessite que les règles qui le régissent subissent des transformations. Et cette modification des règles d’un système humain relève, d’une reconstruction de la réalité, d’un changement d’hypothèses de base ou de présupposés.
«Ce qui était impossible il y a quelques mois est devenu possible en quelques jours !!» C’est ce qu’affirmait l’autre jour un certain Bill Gates, réveillé au petit matin, dans un monde qui a changé. Alors, sans ambition globale ou mondiale, sans révolution, juste un besoin de porter un regard différent depuis ce séisme covidien. Juste le besoin de donner du sens à nos actions dans nos petits cercles d’influence au cœur de notre environnement proche, où nous pouvons agir. Si on ne profite pas de cette événement pour pratiquer un changement de niveau 2, alors il ne se fera jamais! C’est ce que Corinne Samama appelle le «new normal».
«Le new normal désigne la nouvelle normalité dans laquelle nous sommes entrés, caractérisée par l’incertitude et le changements permanents. Nos repères traditionnels n’ont désormais plus cours, rien ne redeviendra comme avant, plus rien ne sera désormais normal.»
Pour nous permettre une sortie de crise «par le haut», qui tire des leçons de la situation exceptionnelle que nous traversons, et afin d’éviter une sortie «par le bas» précipitée par les sirènes de groupes de pressions, le «think different» de Steve Jobs et la notion de «new normal» deviendront précieux pour éclairer nos pratiques. Au croisement des hypothèses et des projections pour le futur, une majorité de constats d’après crise mettent l’accent sur un «monde de demain» nourri par les approches interdisciplinaires. Bien au-delà des divers domaines issus de la médecine, abondamment sollicités depuis de nombreuses semaines, toutes les disciplines en sciences humaines et sociales sont concernées par ces lendemains devenus sombres. Associées aux multiples autres domaines scientifiques, techniques et économiques, nous devrions retrouver de nouvelles pistes inspirantes.
UN MONDE D’APRÈS QUI NE SOIT PAS CELUI D’AVANT-HIER
«On disait qu’il était impossible de tout arrêter, on l’a fait en deux mois. Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour voir ce qu’on garde ou pas, c’est gâcher une crise, c’est un crime.» Bruno Latour
La crise mondiale liée au Covid-19 nous oblige donc à penser bien au-delà de l’urgence sanitaire planétaire, elle met en lumière les limites du fonctionnement de nos sociétés, ainsi que nos différents modèles de pensée. Nous voilà donc face à un choix crucial: soit nous nous battons pour revenir à la situation que nous avions auparavant, assorti de plans de relance pour soutenir le statu quo, et conserver ainsi des modèles sociaux, économiques ou environnementaux obsolètes; soit nous investissons dans de nouveaux modèles pour sortir de la crise en meilleure forme que nous y sommes entrés, prêts pour un avenir: durables, inclusifs, compétitifs, afin d’atteindre une situation plus équitable, équilibrée, porteuse de sens, qui englobe les nouvelles donnes révélées par la crise que nous traversons. Clairement, nous militons pour que le monde d’après ne devienne pas celui d’avant-hier. Fort du constat inspiré des stoïciens, et qui défend l’idée qu’il importe de «faire ce qui dépend de nous, plutôt que de se lamenter sur ce qui n’en dépend pas», nous sommes pleinement conscients que notre zone d’influence n’est que locale, à la mesure de notre quartier, de notre commune ou au mieux de notre région.
C’est donc dans ce périmètre que nous souhaitons réagir ensemble, de manière décisive et innovante sans nous laisser enfermer par les pressions économiques et politiques qui ne doivent en aucun cas se substituer à la démocratie et aux négociations sociales. Ainsi nous pensons qu’il est indispensable de se donner un temps court, libre de toutes ces pressions, afin de prendre le recul nécessaire. Nous le savons par expérience, même dans les situations très contraintes, il importe de prendre du temps pour envisager l’avenir.
C’est pourquoi, en partant de l’idée du «glocal», initié par Xavier Comtesse, nous souhaitons lancer une initiative citoyenne pour notre commune et notre région. Elle vise à mettre immédiatement sur pied une structure de transition, une «task force locale», un peu à l’image des «ateliers participatifs» mis en place par les autorités, ou de la «constituante» créée en 1999 au niveau cantonal. Composée de citoyen-ne‑s, de représentant-e‑s du cru, issu-e‑s de divers milieux (social, médical, économique, formation, sécurité, transport, urbanisme, informatique, logistique et politique). Bref, une structure temporaire et indépendante, chargée d’interroger de manière pluridisciplinaire l’ensemble des projets de la Commune. Ensuite, dans une sorte «d’Etats généraux», elle aurait pour mission d’émettre des hypothèses de «new normal», qui devraient inclure les nouveaux paramètres venus s’inviter à nos tables de «pestiférés». Au centre du débat trôneront à l’évidence les économies qui se sont totalement effondrée en deux mois. Comment poursuivre des projets parfois pharaoniques, alors que chacun sait que le «principe de planche à billets» relevé plus haut, se fera comme d’habitude au frais du contribuable? Alors, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles! Pourquoi ne pas imaginer que la première action serait de demander aux autorités communales un moratoire temporaire sur l’ensemble des projets communaux en cours, afin de permettre le déroulement de cette démarche exploratoire? Non, nous ne voulons pas être une nouvelle fois les dindons de la farce et souhaitons, comme citoyen-n-e‑s, devenir acteur de ce changement de deuxième niveau en proposant une démarche pro-active et novatrice, dans un monde en plein «ébranlement intime et collectif», ou le rythme et l’humain reprennent une place centrale.
«Aujourd’hui … Ils ne savaient pas que c’était impossible … alors ils l’on fait !!» Mark Twain
Ces propos vous parlent? Alors, venez rejoindre notre envie de concevoir «un art de vivre» challensois qui tienne compte des nouveaux paramètres qui se sont invités dans nos vies. Notre objectif est simple: constituter un groupe pluridisciplinaire du cru, qui réfléchisse et tente d’engager la discussion avec les autorités, sur les leçons tirées de l’actuelle épidémie Covid-19. La nécessité de modifier en profondeur le fonctionnement de nos sociétés est évidente. Echallens n’échappera pas à cette règle, et pour ne rien vous cacher, nous ne voyons aucun avantage à ce que notre bourg devienne le grand centre annoncé. Et pour paraphraser notre conseiller fédéral, il est temps d’agir aussi vite que possible, uniquement pour un développement nécessaire.
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