Les oppositions au nouveau quartier du Crépon ont été nombreuses. Parmi elles, celle de Corinne Farquharson (photo), notamment impliquée dans ce dossier durant la législature 2011–2016, lorsqu’elle était conseillère communale. Sans mâcher ses mots, elle dénonce une augmentation de 14% de l’emprise au sol des immeubles.
Le syndic d’Echallens, Jean-Paul Nicoulin, s’est dit déçu des 28 oppositions formulées lors de la mise à l’enquête du quartier – prétendument «éco» – du Crépon, en décembre dernier. Vingt-huit oppositions, c’est en effet beaucoup pour un projet censé faire s’ébaudir les Challensois, surtout que celle de l’Association pour la Sauvegarde d’Echallens (ASE) a récolté plus de cent signatures.
Jean-Paul Nicoulin a convoqué les opposants pour tenter de les convaincre qu’ils faisaient fausse route. Corinne Farquharson va maintenir son opposition et nous lui donnons la parole car sa position est intéressante. Ancienne conseillère communale (2011–2016) et riveraine du futur nouveau quartier, elle a négocié des modifications du PPA (plan partiel d’affectation) du nouveau quartier et connaît bien le dossier. Aujourd’hui, elle a le sentiment d’avoir été trompée.
Pourquoi vous opposez-vous au projet mis à l’enquête du nouveau quartier du Crépon?
Je m’y oppose car il ne respecte ni le plan partiel d’affectation (PPA) présenté aux Challensois et approuvé par le Conseil communal de l’époque, ni les engagements pris par la Municipalité auprès des riverains. Lors des négociations avec la commune en 2015–2016, riverains, opposants et commission en charge d’étudier le dossier avaient convenu de supprimer la notion de «délimitation indicative» pour les aires d’implantation des bâtiments principaux. Mais à la demande de la Municipalité, la notion «la délimitation des aires d’implantation peut s’adapter aux études de détail», a été maintenue dans le règlement afin de donner un peu de «souplesse» lors de l’élaboration du quartier. Le problème est que la souplesse exigée a pour résultat une transformation totale du quartier: aucun des 18 bâtiments qui le composent ne respecte la délimitation initialement prévue.
Ancienne conseillère communale et riveraine, vous connaissez bien le PPA (plan partiel d’affectation) qui fixe les règles pour cet écoquartier…
En 2012, alors que je surfais sur le net, je suis tombée par hasard sur le PPA du nouveau quartier. A l’époque, je faisais partie du Conseil communal et personne ne nous avait présenté ce projet. La décision d’en faire un écoquartier date de 2010, sur une proposition du conseiller communal Jean-Claude Botteron. La Municipalité a dès lors mis en avant le terme d’écoquartier mais, curieusement, ce statut n’a jamais été enregistré dans le règlement du PPA, et c’est là où le bât blesse.
C’est-à-dire?
Le règlement du PPA n’exige aucune mesure liée au statut d’écoquartier. Même le label OPL « One Planet Living » du WWF, mis en avant par les promoteurs, a finalement été abandonné contrairement au quartier de Gruvatiez à Orbe. C’est pourquoi lorsque les promoteurs ont proposé d’utiliser un système de chauffage au label Minergie-P-ECO (plus écologique que ce que le règlement exige), ils ont obtenu 5% de surface de plancher déterminante (SPd) supplémentaire, ce qui représente une augmentation de 1643 m². Si dès le début, la notion d’écoquartier avec un chauffage Minergie avait été intégrée dans le règlement, ces 5% d’augmentation auraient été comprises dans les chiffres et non pas ajoutées. En résumé, suite aux opposition reçues lors de la mise à l’enquête du PPA, en 2015, la municipalité, pour calmer les oppositions, a proposé une réduction du métrage des immeubles. Elle a obtenu la validation du projet puis, par la suite, a accepté l’augmentation du métrage proposée par les promoteurs. Où est la cohérence?
Le plan partiel d’affectation (PPA) n’est donc pas respecté?
Au-delà d’une implantation qui ne respecte pas les délimitations du PPA, l’emprise au sol a augmenté de 1826 m² selon nos calculs soit un peu plus de 14%. C’est énorme! Pour vous donner une idée, cela représente un bâtiment de deux niveaux plus attique de 42 m de longueur sur 14,5 m de largeur! La conséquence est que tous les bâtiments débordent et que les espaces libres sont réduits, alors qu’en théorie le métrage prévu sur le PPA est suffisant pour contenir le métrage mis à l’enquête, bonus inclus. Cette emprise au sol supplémentaire ne se justifie pas, ou, tout du moins, pas dans ces proportions.
Pourquoi, selon vous, la Municipalité ne fait-elle pas respecter le PPA?
La municipalité est partisane des promoteurs, j’ai pu le constater lors de notre séance de «conciliation» menée par notre syndic, Jean-Paul Nicoulin.
Et le Conseil communal, quel est sa position?
On ne connaît pas sa position, car il n’a pas été autorisé à débattre de nos oppositions et que la dernière réunion du Conseil a été transformée en séance d’information par la Municipalité. Aucun parti politique représenté à Echallens n’a pris position à ce propos. Si l’adage «qui ne dit mot, consent» fait foi, on conclura qu’aucun parti ne trouve à redire à cette situation.
Ni le législatif (Conseil communal) ni l’exécutif (Municipalité) n’ont donc la volonté de faire respecter le PPA?
A ce jour, l’exécutif n’a montré aucune volonté à respecter le PPA dans sa globalité. Pour ce qui est du législatif, je serai plus nuancée. Le bonus de 5% obtenu par les promoteurs était connu de la Municipalité mais pas du Conseil communal. Les Challensois et le Conseil ont été trompés par la Municipalité lors des débats autour du PPA, le problème est éthique. J’imagine que la Commission de gestion pourrait s’emparer du dossier, je lui envoyé une copie de mon courrier du mois de décembre au Conseil communal, mais à ce jour, il n’y a pas eu de réaction.
Quel bilan tirez-vous de toute cette affaire?
En tant que riveraine et Conseillère communale, j’ai été active sur ce projet depuis 2012. J’ai participé à toutes les négociations. Aujourd’hui, je suis déçue et troublée. Déçue car j’ai le sentiment d’avoir perdu mon temps, troublée car j’ai été trompée. L’esprit des négociations n’a pas été respecté, et au-delà du projet Crépon, cela remet en question toutes les futures discussions que nous pourrions mener avec la municipalité, je pense particulièrement à celles concernant le futur gymnase d’Echallens. Dans la vie, tout est question d’équilibre, je pense sincèrement qu’une situation gagnant-gagnant vaut bien mieux que ce que nous propose la municipalité aujourd’hui.
- Propos recueillis par Patrick Morier-Genoud -
Posted: 22 avril 2020 by ASE
«Les Challensois et le Conseil communal ont été trompés par la Municipalité»
Les oppositions au nouveau quartier du Crépon ont été nombreuses. Parmi elles, celle de Corinne Farquharson (photo), notamment impliquée dans ce dossier durant la législature 2011–2016, lorsqu’elle était conseillère communale. Sans mâcher ses mots, elle dénonce une augmentation de 14% de l’emprise au sol des immeubles.
Le syndic d’Echallens, Jean-Paul Nicoulin, s’est dit déçu des 28 oppositions formulées lors de la mise à l’enquête du quartier – prétendument «éco» – du Crépon, en décembre dernier. Vingt-huit oppositions, c’est en effet beaucoup pour un projet censé faire s’ébaudir les Challensois, surtout que celle de l’Association pour la Sauvegarde d’Echallens (ASE) a récolté plus de cent signatures.
Jean-Paul Nicoulin a convoqué les opposants pour tenter de les convaincre qu’ils faisaient fausse route. Corinne Farquharson va maintenir son opposition et nous lui donnons la parole car sa position est intéressante. Ancienne conseillère communale (2011–2016) et riveraine du futur nouveau quartier, elle a négocié des modifications du PPA (plan partiel d’affectation) du nouveau quartier et connaît bien le dossier. Aujourd’hui, elle a le sentiment d’avoir été trompée.
Pourquoi vous opposez-vous au projet mis à l’enquête du nouveau quartier du Crépon?
Je m’y oppose car il ne respecte ni le plan partiel d’affectation (PPA) présenté aux Challensois et approuvé par le Conseil communal de l’époque, ni les engagements pris par la Municipalité auprès des riverains. Lors des négociations avec la commune en 2015–2016, riverains, opposants et commission en charge d’étudier le dossier avaient convenu de supprimer la notion de «délimitation indicative» pour les aires d’implantation des bâtiments principaux. Mais à la demande de la Municipalité, la notion «la délimitation des aires d’implantation peut s’adapter aux études de détail», a été maintenue dans le règlement afin de donner un peu de «souplesse» lors de l’élaboration du quartier. Le problème est que la souplesse exigée a pour résultat une transformation totale du quartier: aucun des 18 bâtiments qui le composent ne respecte la délimitation initialement prévue.
Ancienne conseillère communale et riveraine, vous connaissez bien le PPA (plan partiel d’affectation) qui fixe les règles pour cet écoquartier…
En 2012, alors que je surfais sur le net, je suis tombée par hasard sur le PPA du nouveau quartier. A l’époque, je faisais partie du Conseil communal et personne ne nous avait présenté ce projet. La décision d’en faire un écoquartier date de 2010, sur une proposition du conseiller communal Jean-Claude Botteron. La Municipalité a dès lors mis en avant le terme d’écoquartier mais, curieusement, ce statut n’a jamais été enregistré dans le règlement du PPA, et c’est là où le bât blesse.
C’est-à-dire?
Le règlement du PPA n’exige aucune mesure liée au statut d’écoquartier. Même le label OPL « One Planet Living » du WWF, mis en avant par les promoteurs, a finalement été abandonné contrairement au quartier de Gruvatiez à Orbe. C’est pourquoi lorsque les promoteurs ont proposé d’utiliser un système de chauffage au label Minergie-P-ECO (plus écologique que ce que le règlement exige), ils ont obtenu 5% de surface de plancher déterminante (SPd) supplémentaire, ce qui représente une augmentation de 1643 m². Si dès le début, la notion d’écoquartier avec un chauffage Minergie avait été intégrée dans le règlement, ces 5% d’augmentation auraient été comprises dans les chiffres et non pas ajoutées. En résumé, suite aux opposition reçues lors de la mise à l’enquête du PPA, en 2015, la municipalité, pour calmer les oppositions, a proposé une réduction du métrage des immeubles. Elle a obtenu la validation du projet puis, par la suite, a accepté l’augmentation du métrage proposée par les promoteurs. Où est la cohérence?
Le plan partiel d’affectation (PPA) n’est donc pas respecté?
Au-delà d’une implantation qui ne respecte pas les délimitations du PPA, l’emprise au sol a augmenté de 1826 m² selon nos calculs soit un peu plus de 14%. C’est énorme! Pour vous donner une idée, cela représente un bâtiment de deux niveaux plus attique de 42 m de longueur sur 14,5 m de largeur! La conséquence est que tous les bâtiments débordent et que les espaces libres sont réduits, alors qu’en théorie le métrage prévu sur le PPA est suffisant pour contenir le métrage mis à l’enquête, bonus inclus. Cette emprise au sol supplémentaire ne se justifie pas, ou, tout du moins, pas dans ces proportions.
Pourquoi, selon vous, la Municipalité ne fait-elle pas respecter le PPA?
La municipalité est partisane des promoteurs, j’ai pu le constater lors de notre séance de «conciliation» menée par notre syndic, Jean-Paul Nicoulin.
Et le Conseil communal, quel est sa position?
On ne connaît pas sa position, car il n’a pas été autorisé à débattre de nos oppositions et que la dernière réunion du Conseil a été transformée en séance d’information par la Municipalité. Aucun parti politique représenté à Echallens n’a pris position à ce propos. Si l’adage «qui ne dit mot, consent» fait foi, on conclura qu’aucun parti ne trouve à redire à cette situation.
Ni le législatif (Conseil communal) ni l’exécutif (Municipalité) n’ont donc la volonté de faire respecter le PPA?
A ce jour, l’exécutif n’a montré aucune volonté à respecter le PPA dans sa globalité. Pour ce qui est du législatif, je serai plus nuancée. Le bonus de 5% obtenu par les promoteurs était connu de la Municipalité mais pas du Conseil communal. Les Challensois et le Conseil ont été trompés par la Municipalité lors des débats autour du PPA, le problème est éthique. J’imagine que la Commission de gestion pourrait s’emparer du dossier, je lui envoyé une copie de mon courrier du mois de décembre au Conseil communal, mais à ce jour, il n’y a pas eu de réaction.
Quel bilan tirez-vous de toute cette affaire?
En tant que riveraine et Conseillère communale, j’ai été active sur ce projet depuis 2012. J’ai participé à toutes les négociations. Aujourd’hui, je suis déçue et troublée. Déçue car j’ai le sentiment d’avoir perdu mon temps, troublée car j’ai été trompée. L’esprit des négociations n’a pas été respecté, et au-delà du projet Crépon, cela remet en question toutes les futures discussions que nous pourrions mener avec la municipalité, je pense particulièrement à celles concernant le futur gymnase d’Echallens. Dans la vie, tout est question d’équilibre, je pense sincèrement qu’une situation gagnant-gagnant vaut bien mieux que ce que nous propose la municipalité aujourd’hui.
- Propos recueillis par Patrick Morier-Genoud -
Lire: Crépon, les oppositions vont être balayées
Category: L'actu Tags: Crépon, Ecoquartier
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