Mobilité au Grésaley : Y a‑t-il un pilote dans le camion ?

Mise à l’enquête d’une halle arti­sanale au Grésa­ley / 4

Des poids-lourds sur le chemin des écol­iers, un accès mal sécurisé à l’arrêt du LEB, une route can­tonale sat­urée, une mobil­ité douce com­pro­mise, des arbres men­acés et des riverains en colère… Ce n’est pas tant la nature des activ­ités prévues, ni même l’augmentation de traf­ic à venir – somme toute mod­este – qui posent prob­lème dans le développe­ment de la zone indus­trielle du Grésa­ley, mais bien le manque de réflex­ion glob­ale et d’une vision urban­is­tique à long ter­mes pour ce quarti­er à la fois rési­den­tiel et scolaire. 

Selon l’étude de mobil­ité réal­isée par le bureau d’ingénieurs Christe & Gygax, le pro­jet de halles arti­sanales prévu au Grésa­ley, addi­tion­né à celui de Wein­mann-Ener­gies, déjà en con­struc­tion, provo­quera au quo­ti­di­en env­i­ron 200 déplace­ments motorisés sup­plé­men­taires sur la par­tie sud du chemin de la Robel­laz – con­tre 1100 actuelle­ment – et env­i­ron 55 sur sa par­tie nord, soit une aug­men­ta­tion de traf­ic de 18% à 9% selon le tronçon.

Quant au chemin du Grésa­ley, qui voit pass­er env­i­ron 125 véhicules par jour, il en accueillera 255 sup­plé­men­taires, soit une aug­men­ta­tion de plus de 200%. Elle est due au fait que tous les véhicules légers accèderont à la zone indus­trielle par le Grésa­ley. En tout, trois entrées et sor­ties de véhicules y sont prévues : une pour l’entreprise Wein­mann – les oppo­si­tions de riverains ayant été lev­ées par la munic­i­pal­ité en mai dernier – et, main­tenant, deux autres pour le pro­jet de halles (plus une qua­trième sur le chemin de la Robel­laz pour les poids-lourds !).

Des riverains en colère

C’est trop, pour sûr, si l’on con­sid­ère que le chemin est fréquen­té par les usagers du LEB, dont  des écol­iers qui se ren­dent au Col­lège des Trois-Sap­ins. Il est toute­fois prévu de l’élargir pour y con­stru­ire un trot­toir haut de 3 cen­timètres… qui per­me­t­tra aux véhicules d’y mon­ter pour se crois­er ! Est-ce suff­isant pour assur­er la sécu­rité des pié­tons ? « Non ! » esti­ment la plu­part des habi­tants du Grésa­ley qui enten­dent s’opposer au pro­jet sous sa forme actuelle. « Il y a quelques mois, pour nous con­va­in­cre de retir­er notre oppo­si­tion au pro­jet de Wein­mann, la munic­i­pal­ité nous a promis qu’il n’y aurait pas d’autres sor­ties de véhicules sur le chemin du Grésa­ley. Elle nous a même envoyé un plan qui en atteste. Résul­tat : nous nous sommes bien faits avoir !», s’insurgent des riverains.

Un manque de vision globale

On peine en effet à com­pren­dre pourquoi l’aménagement de la zone n’a pas été pen­sé dans sa glob­al­ité, avec une seule entrée de véhicules. Il est évi­dent que le traf­ic lié au développe­ment de la zone indus­trielle devait se faire à l’intérieur de celle-ci pour impacter au min­i­mum le reste du quarti­er. Ceci aurait per­mis d’éviter des travaux sur le chemin du Grésa­ley (aux frais de qui, au fait, le trot­toir ? Des con­tribuables ?), de préserv­er un accès sécurisé à l’arrêt du LEB et de favoris­er ain­si la mobil­ité douce. Au lieu de quoi, non seule­ment la gare du Grésa­ley n’offre aucune infra­struc­ture (park­ing pub­lic, zone de dépôt de pas­sagers, etc.), mais son développe­ment est désor­mais con­damné par un park­ing privé de 40 places, celui de l’entreprise Weimann-Energies.

Trop tard, le mal est fait. Et l’on nous rétor­quera sans doute qu’il est prévu de déplac­er l’arrêt du LEB… un jour, peut-être. Il n’empêche que moins d’accès à la zone per­me­t­trait, main­tenant encore, grâce à une bar­rière végé­tale con­tin­ue et digne de ce nom, de mieux l’isoler du reste du quarti­er. Et d’offrir ain­si une pro­tec­tion ren­for­cée aux pié­tons ain­si qu’aux riverains pour ce qui est des nui­sances sonores et esthé­tiques. Peut-être même qu’avec un accès unique et un peu de bonne volon­té, il serait pos­si­ble d’épargner les arbres exis­tants, à pri­ori con­damnés par le projet.

Déjà 9000 poids-lourds sur le chemin des écoliers

Seule con­so­la­tion pour les habi­tants du Grésa­ley, les poids-lourds, eux, devraient entr­er dans la zone indus­trielle par le chemin de la Robel­laz.  Si l’on en croit les entre­pris­es qui prévoient de s’installer dans les halles du Grésa­ley, l’augmentation de traf­ic de poids-lourds liée à leurs activ­ités ne sera pas démesurée : env­i­ron 30 déplace­ments par semaine si l’on ne con­sid­ère que les jours ouvrables.

C’est peu et beau­coup à la fois. Beau­coup, si l’on con­sid­ère qu’aucun écol­i­er ne devrait avoir à crois­er de camions. Et peu, lorsqu’on sait que le nom­bre de déplace­ments de poids-lourds des entre­pris­es Lan­di et Mar­ti est estimé à 20 par jour pour le pre­mier et à 15 pour le sec­ond. Soit 175 déplace­ments de camion par semaine sur le chemin de la Robel­laz, plus de 9000 par an ! Alors que ceux-ci peinent à s’y crois­er et que la largeur du trot­toir per­met à peine à deux per­son­nes de marcher de front. On com­prend mieux pourquoi les écol­iers préfèrent pass­er par le trot­toir qui longe la route de Moudon, et pourquoi les par­ents sont si nom­breux à amen­er leurs enfants en voiture au col­lège ! Les deux-roues, eux, n’ont pas d’autre choix que d’emprunter le chemin de la Robel­laz, une par­tie du chemin du Col­lège leurs étant interdit.

La mobilité douce compromise

Alors qu’il faudrait, au con­traire, tout met­tre en œuvre pour désen­gorg­er le traf­ic sur la route de Moudon et dans le quarti­er, rien n’est prévu, là encore, pour favoris­er la mobil­ité douce. Pas l’ombre d’un pas­sage à pié­ton, même pas sur la route de Moudon pour rejoin­dre l’arrêt de bus ; pas l’ombre d’une piste cyclable non plus. Quant à l’éventuelle route de con­tourne­ment qui per­me­t­trait de flu­id­i­fi­er le traf­ic sur la route can­tonale, des maisons se sont instal­lées sur son tracé ! Un jour, peut-être…

L’étude de mobil­ité recom­mande bien quelques amé­nage­ments, mais rien ne garan­tit qu’ils seront réal­isés. Pas plus qu’il n’est pré­cisé qui sera chargé, le cas échéant, de financer les travaux. Certes, la lim­i­ta­tion de vitesse de 30km/h imposée dans le quarti­er astreint à la pru­dence. Elle con­firme, surtout, que les pié­tons y sont – et doivent y rester – pri­or­i­taires. Et qu’ils doivent pou­voir s’y déplac­er en toute sécurité.

Alors, for­cé­ment, quand on nous pro­pose encore plus de véhicules, tou­jours plus de véhicules (et moins d’arbres d’envergure, par la même occa­sion, pour se pro­téger de leurs nui­sances), sans réflex­ion, sans plan d’urbanisme et sans con­trepar­tie, l’envie est forte de réagir.

Corinne Bloch 

Demain : Pourquoi il faut s’opposer au pro­jet du Grésaley

Lire le pre­mier arti­cle de la série : Quel avenir pour la zone indus­trielle du Grésaley ?

Lire le deux­ième arti­cle de la série : Faut-il avoir peur de l’entreprise Trans-EcoBroyage ?

Lire le troisième arti­cle de la série : Kar­loc et HSP au Grésa­ley, quelles nui­sances pour le quartier ?

Association pour la sauvegarde d'Echallens | ASE
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