Densification et protection du patrimoine: «Une planification communale intelligente est possible en poursuivant ces deux objectifs»

Maurice Lovisa est le Conservateur cantonal des Monuments et Sites du Canton de Vaud. Nous l’avons interrogé sur l’importance de l’ISOS en matière d’urbanisme communal. «Idéalement, les communes retranscrivent dans leur plan d’affectation communal les recommandations de l’ISOS», a‑t-il répondu, tout en soulignant que «dans le canton de Vaud l’autonomie communale est importante.» Interview.

Pour Mau­rice Lovisa, la den­si­fi­ca­tion des périmètres bâtis et la pro­tec­tion de la nature et des pat­ri­moines ne sont qu’apparemment con­tra­dic­toires: «Une plan­i­fi­ca­tion com­mu­nale intel­li­gente est pos­si­ble en pour­suiv­ant ces deux objec­tifs», affirme-t-il. Il pré­cise toute­fois que la com­mune d’Echallens n’est pas un site d’importance nationale au sens de l’ISOS. Et que «dans le can­ton de Vaud, l’autonomie com­mu­nale est impor­tante, les com­munes étab­lis­sent leur plan d’affectation communal».

La con­ser­va­tion du pat­ri­moine, ou pas, est donc avant tout une affaire de volon­té et de poli­tique communale. 

Avant de répon­dre à nos ques­tions, trans­mis­es par écrit, le Con­ser­va­teur can­ton­al des Mon­u­ments et Sites du Can­ton de Vaud a souhaité pré­cis­er: «Je ne peux répon­dre qu’à titre de Con­ser­va­teur can­ton­al et en aucun cas pour les com­munes ou un autre ser­vice. Il faudrait aus­si inter­roger la Direc­tion générale du ter­ri­toire et du loge­ment (DGTL) en charge des aspects de plan­i­fi­ca­tion pour le canton.

»»Tout d’abord une remar­que, l’Inventaire fédéral des sites con­stru­its d’importance nationale à pro­téger en Suisse (ISOS) est l’objet d’une cer­taine con­fu­sion – cet état de fait est prob­a­ble­ment issu du fait qu’il s’agit d’un inven­taire réal­isé au niveau fédéral alors que la loi fédérale sur la pro­tec­tion de la nature et du paysage (LPN) délègue grosso modo la com­pé­tence en matière de pat­ri­moine aux cantons.

»»Il est révisé régulière­ment et ne con­cerne plus que les sites d’importance nationale (voir doc­u­ment) – à ce titre il est impor­tant d’indiquer que la com­mune d’Echallens n’est pas un site d’importance nationale – il faut par­ler de l’inventaire des sites con­stru­its à pro­téger en Suisse.

»»Sur le site de la Con­fédéra­tion, pour les sites ISOS (donc d’importance nationale) il est pré­cisé: “Dans l’accomplissement de tâch­es can­tonales et com­mu­nales, la force oblig­a­toire de l’ISOS est réglée par le droit fédéral en matière d’aménagement du ter­ri­toire. Dans ce cas, les objec­tifs de sauve­g­arde de l’ISOS n’ont qu’une portée indi­recte. Il est pos­si­ble de s’en écarter lorsque des intérêts prépondérants l’exigent.” (voir le site de la Con­fédéra­tion

Dans quelle mesure le can­ton de Vaud et les com­munes vau­dois­es doivent-ils tenir compte de l’ISOS?

Idéale­ment les com­munes retran­scrivent dans leur plan d’affectation com­mu­nal les recom­man­da­tions de l’ISOS. La dif­fi­culté est don­née par le manque d’actualisation de l’inventaire des sites d’importance régionale et locale (si l’urbanisation a beau­coup pro­gressé, les recom­man­da­tions sont obsolètes – dans le cas con­traire elles restent d’actualité) et la rel­a­tive mécon­nais­sance de l’outil ISOS par un cer­tain nom­bre de bureaux d’urbanisme en charge des révi­sions des PACom (Plan d’affectation com­mu­nal, ndlr.). Une fiche de recom­man­da­tion pour aider les com­munes et les urban­istes existe.

Pourquoi ne pas respecter sys­té­ma­tique­ment les recom­man­da­tions de l’ISOS? Ses objec­tifs de pro­tec­tion ne sont-ils pas jugés tou­jours suff­isam­ment importants?

Dans le can­ton de Vaud, l’autonomie com­mu­nale est impor­tante – les com­munes étab­lis­sent leur plan d’affectation com­mu­nal – c’est vrai­ment l’outil qui devrait per­me­t­tre de traduire l’ISOS. Lors de la cir­cu­la­tion auprès des ser­vices du Can­ton, la Direc­tion de l’archéologie et du pat­ri­moine – par­mi divers autres direc­tions et ser­vices, rédi­ge un préavis. La syn­thèse de ces préavis et de com­pé­tence de la DGTL (Direc­tion générale du ter­ri­toire et du loge­ment). Une nou­velle fois, les sites d’importance nationale (ISOS) peu­vent être mieux pro­tégés que les sites d’importance régionale ou locale (cf. la jurisprudence).

Dans le can­ton de Vaud, à quoi donne-t-on la pri­or­ité? A la den­si­fi­ca­tion des périmètres bâtis ou à la pro­tec­tion de la nature et des patrimoines ?

Vous avez rai­son d’évoquer la den­si­fi­ca­tion des périmètres bâtis – c’est aus­si un objec­tif stratégique de la Con­fédéra­tion, ceci en vue d’éviter le «mitage du ter­ri­toire». Mais il ne faut pas oppos­er ces deux objec­tifs. Une plan­i­fi­ca­tion com­mu­nale intel­li­gente est pos­si­ble en pour­suiv­ant ces deux objec­tifs qui ne sont qu’apparemment con­tra­dic­toires. A titre d’exemple Genève a réal­isé une carte des surélé­va­tions pos­si­bles des ensem­bles d’habitation XIX-début du XXe siè­cle en ten­ant compte des aspects patrimoniaux.

- Pro­pos recueil­lis par Patrick Mori­er-Genoud -

Association pour la sauvegarde d'Echallens | ASE
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