Battons-nous pour préserver un patrimoine indispensable

L’Association pour la Sauvegarde d’Echallens n’est pas la seule à se mobiliser pour la préservation du patrimoine: le comité pour la sauvegarde de Moudon vient de déposer auprès du Canton une pétition de près de 4000 signatures pour sauver son bourg médiéval. Des initiatives qui, contrairement à ce que voudraient faire croire leurs détracteurs, n’ont pas pour but de mettre nos villages sous cloche, mais bien de favoriser leur évolution dans le respect des éléments qui les constituent.
Le comité pour la sauve­g­arde de Moudon a apporté sa péti­tion au Château du gou­verne­ment vau­dois, à Lau­sanne. Au pre­mier plan de la pho­to, on recon­naît Justin Favrod (à gauche) et Chris­tine Merci­er (qui porte les exem­plaires de la péti­tion), les édi­teurs de l’ex­cel­lente revue Passé Sim­ple.

Le mar­di 7 sep­tem­bre, le comité pour la sauve­g­arde de Moudon a déposé la péti­tion «Sauvons la colline de Moudon» à la Chan­cel­lerie can­tonale, à Lau­sanne. En l’espace de deux mois, 3929 sig­na­tures ont été récoltées. Une immense réus­site, bra­vo à eux!

Cette péti­tion demande au Con­seil d’Etat vau­dois que la par­celle no 257, «Grand-Air», soit déclarée incon­structible en mod­i­fi­ant le plan d’affectation can­ton­al.  Le Grand-Air, c’est la colline qui sur­plombe Moudon, en haut du bourg médié­val. Elle abrite trois maisons seigneuri­ales: le château de Rochefort, la Mai­son du Grand-Air − qui héberge le musée Eugène Bur­nand − et le château de Carrouge.

En l’état, le plan d’affectation per­met la con­struc­tion de vil­las à toit plat sur la par­celle, ce qui chang­erait rad­i­cale­ment le car­ac­tère du lieu.

Voilà un exem­ple de mobil­i­sa­tion citoyenne en faveur du pat­ri­moine. Un terme sou­vent car­i­caturé, comme ceux qui le défend­ent et qui sont alors décrits comme des passéistes voulant figer les choses, les met­tre sous cloche. Pourtant…

C’est quoi, le patrimoine? 

Le pat­ri­moine est en par­tie ce qui nous con­stitue. Prenons pour exem­ple notre pat­ri­moine géné­tique: il s’agit de l’ensemble des car­ac­téris­tiques héritées de nos par­ents et trans­mis­es par les gènes. A cela s’ajoute un pat­ri­moine cul­turel qui mod­èle nos pen­sées et guide nos actes. Ce pat­ri­moine, sans lequel nous ne seri­ons rien, ou en tout cas pas ce que nous sommes, se trans­met et évolue d’une généra­tion à l’autre. Loin d’être figé dans le temps, notre pat­ri­moine géné­tique et cul­turel est vivant, évo­lu­tif, il est nos orig­ines, nos racines, le matéri­au sur la base duquel nous nous con­stru­isons, c’est pourquoi il nous est indispensable.

Il en est de même du pat­ri­moine qui nous entoure, qu’il soit bâti ou naturel. Lui aus­si doit évoluer afin de s’adapter aux défis actuels. Pas ques­tion donc de le figer. Mais pas ques­tion non plus de le détru­ire. Car pour évoluer, nous avons besoin de racines, de bases. Cela implique une préser­va­tion à la fois dynamique et réfléchie du pat­ri­moine chal­len­sois et de ce qui con­stitue notre envi­ron­nement. Cela passe par le développe­ment du bâti, certes, mais d’un bâti respectueux de l’existant et moins spécu­latif, accom­pa­g­né par un développe­ment con­séquent des infra­struc­tures com­mu­nales, ain­si que par la préser­va­tion de la qual­ité du cadre de vie des habi­tants. Il s’agit de sauve­g­arder des bâti­ments emblé­ma­tiques, comme le Château ou l’Hôtel de Ville, mais aus­si des ambiances, des chem­ine­ments à tra­vers le bourg, des vues, un groupe d’arbres, un espace vert, des lieux de ren­con­tres, le plaisir d’une balade…

Ne pas den­si­fi­er à n’im­porte quel prix

La révi­sion de la Loi sur l’aménagement du ter­ri­toire (LAT) de 2014 a pour con­séquence une poli­tique de den­si­fi­ca­tion de l’environnement bâti au prof­it de la préser­va­tion des ter­rains cul­tivables. Cela ne sig­ni­fie cepen­dant pas qu’il faille faire n’importe quoi dans l’espace bâti, ni impos­er au cœur de nos villes et vil­lages un béton­nage inten­sif et pure­ment spécu­latif. Car il s’agit là d’une vision pro­duc­tiviste des choses qui ne tient pas compte du ressen­ti des indi­vidus. La seule pen­sée qu’il y a, au loin, des espaces «verts» préservés ne suf­fit pas à notre bien-être. Cette ver­dure, cette nature, nous devons pou­voir l’éprouver et, pour cela, en trou­ver au sein même des espaces bâtis, entre les immeubles et les routes. Les arbres majestueux et le chant des oiseaux sont notre pat­ri­moine; les 43% d’insectes qui ont dis­paru de nos jardins ces dernières années en fai­saient égale­ment partie.

La pandémie et ses con­fine­ments ont fait ressen­tir ce besoin de nature aux citadins du monde entier, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique le rend encore plus pres­sant. Aujourd’hui plus que jamais, la trans­for­ma­tion écologique des villes est d’actualité.

Préserv­er des espaces verts

Voilà pourquoi nous pen­sons que pour être dynamique, le développe­ment d’Echallens doit être réal­isé en préser­vant des espaces verts dans le bourg et en en créant d’autres. Loin de nous l’idée de met­tre Echal­lens sous cloche. L’Association pour la Sauve­g­arde d’Echallens a tou­jours été claire sur sa volon­té de pro­mou­voir pour notre com­mune un développe­ment et une den­si­fi­ca­tion de qual­ité, non de les empêch­er. Nous atten­dons en revanche de la part des urban­istes, des archi­tectes, des pro­mo­teurs et de nos élus qu’ils sachent faire preuve d’innovation et de créa­tiv­ité pour con­cili­er den­si­fi­ca­tion et accueil et pour faire rimer développe­ment urban­is­tique et art de vivre.

Car ce n’est pas pour le met­tre sous cloche que le pat­ri­moine doit être préservé, mais parce que sans lui, le futur risque bien de ne pas être vivable.

- Corinne Bloch et Patrick Mori­er-Genoud -

Association pour la sauvegarde d'Echallens | ASE
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