Si le projet immobilier mis à l’enquête prévoit d’épargner le majestueux arbre centenaire, l’analyse de notre expert est nettement moins optimiste. L’excavation de la rampe qui mènera au parking souterrain et les importants travaux prévus pourraient impacter dangereusement ses racines et sa couronne. Chronique d’une mort annoncée.

Sur les plans et les représen­ta­tions en 3D mis à dis­po­si­tion par les pro­mo­teurs du pro­jet immo­bili­er prévu au Chemin de la Pépinière 1, un aspect saute aux yeux: le tilleul qui jouxte la mai­son – et qui est sup­posé être préservé par le pro­jet, prob­a­ble­ment en rai­son de la salve d’oppositions que sus­cit­erait son abattage (le pro­mo­teur du dernier pro­jet en date avait même ten­té de nous faire croire que l’arbre pour­rait être déplacé à un autre endroit du parc!) – est sys­té­ma­tique­ment représen­té bien plus petit qu’il ne l’est vrai­ment. Il est aus­si situé très approx­i­ma­tive­ment. En réal­ité, cet arbre cen­te­naire, qui mesure près de 25 mètres de haut, pos­sède une couronne au diamètre impres­sion­nant, presque aus­si grosse que la mai­son elle-même. Cette dif­férence d’appréciation n’est pas un détail. Elle revêt au con­traire une impor­tance cap­i­tale. Au point qu’on en viendrait presque à se deman­der si l’erreur est volontaire.

Entrée du parking souterrain

Le pro­jet prévoit en effet de faire entr­er les véhicules des futurs habi­tants du lieu par le sud-ouest de la par­celle – ouvrant par la même occa­sion au traf­ic ce chemin aujourd’hui réservé aux pié­tons et aux cyclistes qui sont nom­breux à l’emprunter chaque jour. Les futurs habi­tants passeraient ain­si en voiture sous le tilleul avant d’emprunter, quelques mètres plus loin, une rampe d’accès menant à un park­ing souter­rain, lequel, bien enten­du, néces­sit­era d’importants travaux d’excavation. Or le sys­tème raci­naire d’un arbre cor­re­spond générale­ment à l’emprise de sa couronne. Si celle-ci était cor­recte­ment représen­tée sur les plans, on ver­rait alors claire­ment que la rampe d’accès au park­ing est en réal­ité située juste sur les racines du tilleul! Sur l’un des plans, le tronc de l’arbre est même car­ré­ment sur la zone carrossable.

En partie privé d’eau?

«On peut aus­si crain­dre que les parafouilles de l’excavation des sous-sols du bâti­ment C approcheront dan­gereuse­ment la zone raci­naire de l’arbre», con­state Joris de Cas­tro, l’ancien patron de la Pépinière du Gros-de-Vaud qui, il y a deux ans, avait étudié le sys­tème raci­naire du tilleul dans le cadre d’un précé­dent pro­jet de con­struc­tion. Ce qui inquiète égale­ment le spé­cial­iste, ce sont les vari­a­tions du niveau d’eau que provo­queront les nou­velles con­struc­tions. «Lors des sondages effec­tués il y a deux ans, j’ai con­staté que le niveau d’eau cor­re­spondait à la nappe phréa­tique. Or ce niveau est plus haut que le fonde­ment en sous-sols d’un bâti­ment. Il fau­dra donc l’abaisser par drainage ou par tout autre moyen. Cela sig­ni­fie que le niveau d’eau autour de l’arbre, et donc son ali­men­ta­tion, va être forte­ment mod­i­fié. Ça peut pren­dre un cer­tain temps, mais il y a de fortes chances pour que ceci provoque son dépérissement». 

Tailles mutilantes

Peut-être ne sera-t-il pas néces­saire d’en arriv­er là. Car le plus grand dan­ger qui men­ace le tilleul réside dans les dom­mages que les travaux de con­struc­tion pour­raient infliger à son immense couronne. Or, là encore, si les plans inex­acts des pro­mo­teurs ne per­me­t­tent pas de s’en ren­dre compte, il suf­fit de regarder l’arbre pour con­stater que des travaux d’une telle ampleur à prox­im­ité d’un pareil géant, sans le con­damn­er, relèveraient du mir­a­cle. «Le plus gros dan­ger, ce sont les mou­ve­ments de la grue et de ses charges qui risquent de grig­not­er peu à peu ses branch­es maitress­es, néces­si­tant des tailles muti­lantes», estime Joris de Castro. 

«Les règles de l’art exig­eraient que le périmètre de l’aplomb de la couronne soit clô­turé et qu’aucun dépôt n’y soit fait. Cela dépen­dra aus­si de l’emprise et de la posi­tion de l’installation de chantier. Mais où situer cette dernière sachant qu’une instal­la­tion de chantier néces­site env­i­ron la sur­face des bâti­ments pro­jeté?» Bonne ques­tion. Le site étant enclavé entre la route au sud et à l’est, le Tal­ent et sa la lisière forestière au nord et la mai­son exis­tante à l’ouest, où, en effet, installer le chantier si ce n’est à prox­im­ité du tilleul?

Dans tous les cas, la mai­son actuelle étant par­tielle­ment cachée dans l’arbre, on com­prend aisé­ment qu’il sera impos­si­ble de trans­former ses façades et son toit sans impos­er à la couronne une coupe dras­tique et muti­lante. Finale­ment, la taille dimin­uée de l’arbre présen­tée sur les plans et les images de syn­thèse des pro­mo­teurs représente peut-être bel et bien ce qu’il restera de ce dernier après les travaux de construction.

Dif­fi­cile, dès lors, d’imaginer que le majestueux tilleul du Chemin de la Pépinière sur­vivra a tant de dan­gers et d’interventions. Mais peut-être est-ce bien là l’idée: se débar­rass­er «acci­den­telle­ment» de cet arbre qui, au pro­pre comme au fig­uré, fait décidé­ment bien de l’ombre au projet.

- Corinne Bloch -

Vous souhaitez sauver le tilleul et vous opposer à l’abattage des arbres du Chemin de la Pépinière? 

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