«Oui au gymnase pour un bourg dynamique!» Les partisans du projet de gymnase à Court-Champ ont fait de ce slogan prometteur leur cheval de bataille. Qu’en sera-t-il vraiment? Pour le savoir, notre association est partie, sans à priori, à la rencontre des commerçants de Payerne, la seule ville du canton de moins de 11 000 habitants à accueillir près d’un millier et demi de gymnasiens. Leurs réponses devraient mettre fin à bien des illusions.
Le gymnase aura-il un impact positif sur nos commerces et la vie challensoise, comme l’affirme le slogan des partisans du gymnase à Court-Champ? L’argument est de taille, déterminant même. Mais comment en être sûr? Pour le savoir, nous avons décidé d’aller voir à Payerne, la seule ville du canton de moins de 11 000 habitants qui possède un gymnase. Car il va de soi qu’en termes d’infrastructures, Echallens ne peut être comparée à des villes comme Yverdon (env. 30 000 habitants), Nyon (21 500 hab.) ou même Morges (près de 16 000 hab.) (Voir tableau comparatif des gymnases vaudois)
La commission communale qui a étudié le projet de gymnase avait elle aussi fait référence au chef-lieu de la Broye-Vully lors de la séance du Conseil communal du 28 mai dernier. Ou plutôt au directeur du gymnase payernois, lequel avait paraît-il affirmé que les gymnasiens fréquentaient volontiers les commerces locaux. Des propos que ce dernier, contacté par notre association, n’a pas souhaité confirmer ni développer.
Les gymnasiens ne fréquentent pas les terrasses du bourg, ni les boulangeries.
Commerces locaux: les oubliés du gymnase
Nous avons donc décidé d’interroger directement les commerçants payernois. Nous leur avons demandé quel était l’impact du gymnase sur la dynamique du bourg. «Aucun», nous a répondu Marc Sauterel, qui dirige aujourd’hui la boucherie éponyme de la rue de Lausanne, une institution familiale vieille de 60 ans. «Le gymnase ne se fournit pas auprès des commerces locaux. Aucun commerçant de Payerne n’y a jamais fait de livraison que je sache. Ça, vous pouvez le leur dire là-bas [à Echallens]». Même son de cloches à la boucherie Nicolier, idem encore à la Laiterie centrale. Quant aux gymnasiens, ils ne fréquentent apparemment pas les boucheries et les fromageries.
Ni les boulangeries d’ailleurs. Cathy, la sympathique patronne du tea-room qui fait face à l’enseigne McDonald’s, voit parfois jusqu’à 20 jeunes faire la queue à midi pour un hamburger. Aucun, pourtant, n’aurait l’idée d’entrer chez elle. «Ce n’est pas faute d’essayer de les attirer! Nous avons des petits menus pas chers, des salades, des tartes, des sandwiches, des birchers, un immense choix de sirops et deux grandes tables sympas près des fenêtres, rien n’y fait.» Elle n’est pas la seule à tenter, sans succès, de s’adapter à cette jeune clientèle. «Nous avons lancé des offres spéciales, genre une boisson gratuite à l’achat d’un sandwich, mais ça n’a marché que le temps de la promotion, ça n’a pas suffi à créer des habitudes», confie un autre commerçant. Même constat chez les autres boulangers du bourg.
Kebab, McDo, tacos et Migrolino!
Les commerces situés à proximité de la gare auraient-ils plus de succès? Pas vraiment si l’on en croit la jeune femme qui tient la nouvelle crêperie. Même Joël Paolisso, qui a ouvert il y a 4 ans sa boulangerie-chocolaterie à une minute de la gare, ne voit pas défiler les gymnasiens. «Allez demander à la Migros, c’est là qu’ils vont! Et au Migrolino de la gare surtout. Ce sont ces commerces qui nous tuent!» Seuls le marchand de kebabs et celui de tacos admettent accueillir quelques jeunes à midi, «entre cinq et six en moyenne, dix les meilleurs jours», mais ils ne sauraient dire s’ils viennent du gymnase. Quant à la libraire de la rue de Lausanne, elle se contente de hausser les épaules: «le gymnase de Payerne se veut précurseur et pousse les étudiants à utiliser principalement les outils numériques. Autant dire qu’ils n’achètent plus de livres.»
Des étudiants très discrets
A en croire les commerçants interrogés, c’est donc à peine si les gymnasiens traversent parfois le bourg! D’ailleurs, bien que l’on soit vendredi à l’heure de l’apéro, les terrasses des rues commerçantes sont pratiquement exemptes d’ados. Seuls quelques petits groupes de jeunes boivent un verre par-ci par-là. «Vous êtes gymnasiens?» «Ah, non, pas du tout!», répondent-ils, unanimes. Il paraît qu’il faut aller dans les deux ou trois bars branchés situés à proximité de la gare pour les rencontrer. Au Scottish Pub, par exemple? «Ils viennent surtout le vendredi après les cours», confie le patron. «Beaucoup moins les autres jours et jamais le matin ou à midi.»
Et les enseignants? Fréquentent-ils les commerces payernois? Difficile à dire, admettent les commerçants et les restaurateurs. Ils sont toutefois plusieurs à penser que non: «le gymnase étant à l’extérieur du bourg, la plupart d’entre eux prennent directement la route de contournement qui mène à l’autoroute afin de partir au plus vite et d’éviter la circulation dans le centre», expliquent-ils.
Le gymnase intercantonal de la Broye n’est pourtant situé qu’à 10 minutes à pied de la gare et du centre de Payerne. Inauguré en 2005, il accueille 1200 étudiants, bientôt 1500 grâce à des travaux d’agrandissement. Un millier et demi d’étudiants! Et apparemment aucune retombée sur la dynamique du bourg de l’avis de ceux qui y vivent et y travaillent. Voilà qui laisse songeur…
- Corinne Bloch -
Posted: 21 septembre 2020 by ASE
Gymnase: quelles retombées sur la dynamique du bourg? «Aucunes», selon les commerçants payernois
«Oui au gymnase pour un bourg dynamique!» Les partisans du projet de gymnase à Court-Champ ont fait de ce slogan prometteur leur cheval de bataille. Qu’en sera-t-il vraiment? Pour le savoir, notre association est partie, sans à priori, à la rencontre des commerçants de Payerne, la seule ville du canton de moins de 11 000 habitants à accueillir près d’un millier et demi de gymnasiens. Leurs réponses devraient mettre fin à bien des illusions.
Le gymnase aura-il un impact positif sur nos commerces et la vie challensoise, comme l’affirme le slogan des partisans du gymnase à Court-Champ? L’argument est de taille, déterminant même. Mais comment en être sûr? Pour le savoir, nous avons décidé d’aller voir à Payerne, la seule ville du canton de moins de 11 000 habitants qui possède un gymnase. Car il va de soi qu’en termes d’infrastructures, Echallens ne peut être comparée à des villes comme Yverdon (env. 30 000 habitants), Nyon (21 500 hab.) ou même Morges (près de 16 000 hab.) (Voir tableau comparatif des gymnases vaudois)
La commission communale qui a étudié le projet de gymnase avait elle aussi fait référence au chef-lieu de la Broye-Vully lors de la séance du Conseil communal du 28 mai dernier. Ou plutôt au directeur du gymnase payernois, lequel avait paraît-il affirmé que les gymnasiens fréquentaient volontiers les commerces locaux. Des propos que ce dernier, contacté par notre association, n’a pas souhaité confirmer ni développer.
Les gymnasiens ne fréquentent pas les terrasses du bourg, ni les boulangeries.
Commerces locaux: les oubliés du gymnase
Nous avons donc décidé d’interroger directement les commerçants payernois. Nous leur avons demandé quel était l’impact du gymnase sur la dynamique du bourg. «Aucun», nous a répondu Marc Sauterel, qui dirige aujourd’hui la boucherie éponyme de la rue de Lausanne, une institution familiale vieille de 60 ans. «Le gymnase ne se fournit pas auprès des commerces locaux. Aucun commerçant de Payerne n’y a jamais fait de livraison que je sache. Ça, vous pouvez le leur dire là-bas [à Echallens]». Même son de cloches à la boucherie Nicolier, idem encore à la Laiterie centrale. Quant aux gymnasiens, ils ne fréquentent apparemment pas les boucheries et les fromageries.
Ni les boulangeries d’ailleurs. Cathy, la sympathique patronne du tea-room qui fait face à l’enseigne McDonald’s, voit parfois jusqu’à 20 jeunes faire la queue à midi pour un hamburger. Aucun, pourtant, n’aurait l’idée d’entrer chez elle. «Ce n’est pas faute d’essayer de les attirer! Nous avons des petits menus pas chers, des salades, des tartes, des sandwiches, des birchers, un immense choix de sirops et deux grandes tables sympas près des fenêtres, rien n’y fait.» Elle n’est pas la seule à tenter, sans succès, de s’adapter à cette jeune clientèle. «Nous avons lancé des offres spéciales, genre une boisson gratuite à l’achat d’un sandwich, mais ça n’a marché que le temps de la promotion, ça n’a pas suffi à créer des habitudes», confie un autre commerçant. Même constat chez les autres boulangers du bourg.
Kebab, McDo, tacos et Migrolino!
Les commerces situés à proximité de la gare auraient-ils plus de succès? Pas vraiment si l’on en croit la jeune femme qui tient la nouvelle crêperie. Même Joël Paolisso, qui a ouvert il y a 4 ans sa boulangerie-chocolaterie à une minute de la gare, ne voit pas défiler les gymnasiens. «Allez demander à la Migros, c’est là qu’ils vont! Et au Migrolino de la gare surtout. Ce sont ces commerces qui nous tuent!» Seuls le marchand de kebabs et celui de tacos admettent accueillir quelques jeunes à midi, «entre cinq et six en moyenne, dix les meilleurs jours», mais ils ne sauraient dire s’ils viennent du gymnase. Quant à la libraire de la rue de Lausanne, elle se contente de hausser les épaules: «le gymnase de Payerne se veut précurseur et pousse les étudiants à utiliser principalement les outils numériques. Autant dire qu’ils n’achètent plus de livres.»
Des étudiants très discrets
A en croire les commerçants interrogés, c’est donc à peine si les gymnasiens traversent parfois le bourg! D’ailleurs, bien que l’on soit vendredi à l’heure de l’apéro, les terrasses des rues commerçantes sont pratiquement exemptes d’ados. Seuls quelques petits groupes de jeunes boivent un verre par-ci par-là. «Vous êtes gymnasiens?» «Ah, non, pas du tout!», répondent-ils, unanimes. Il paraît qu’il faut aller dans les deux ou trois bars branchés situés à proximité de la gare pour les rencontrer. Au Scottish Pub, par exemple? «Ils viennent surtout le vendredi après les cours», confie le patron. «Beaucoup moins les autres jours et jamais le matin ou à midi.»
Et les enseignants? Fréquentent-ils les commerces payernois? Difficile à dire, admettent les commerçants et les restaurateurs. Ils sont toutefois plusieurs à penser que non: «le gymnase étant à l’extérieur du bourg, la plupart d’entre eux prennent directement la route de contournement qui mène à l’autoroute afin de partir au plus vite et d’éviter la circulation dans le centre», expliquent-ils.
Le gymnase intercantonal de la Broye n’est pourtant situé qu’à 10 minutes à pied de la gare et du centre de Payerne. Inauguré en 2005, il accueille 1200 étudiants, bientôt 1500 grâce à des travaux d’agrandissement. Un millier et demi d’étudiants! Et apparemment aucune retombée sur la dynamique du bourg de l’avis de ceux qui y vivent et y travaillent. Voilà qui laisse songeur…
- Corinne Bloch -
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Category: L'actu Tags: gymnase
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