Deux ans après le premier, un nouveau projet immobilier menace l’un des derniers fleurons du patrimoine challensois
Le plan d’Affectation communal n’ayant toujours pas défini d’objectifs clairs de protection pour la maison et le parc du chemin de la Pépinière 1, le projet prévoit la construction de 19 appartements et la disparition de presque tout le parc actuel. Au nez et à la barbe des recommandations du Canton et de la Confédération qui préconisent la sauvegarde maximale de cet écrin de verdure au centre d’Echallens.
L’avantage, avec le projet de construction prévu au chemin de la Pépinière 1 et mis à l’enquête jusqu’au 20 juin prochain, c’est qu’il ne prétend pas être autre chose que ce qu’il est, à savoir un projet purement spéculatif. Un coup d’œil aux plans suffit à s’en rendre compte: du grand parc bucolique composé d’une quinzaine d’arbres, avec sa belle maison ancienne au centre, il ne restera rien. Tout ce qui pourra être bétonné, selon les dispositions en matière de police des constructions, le sera jusqu’au moindre centimètre. Même s’il faut, pour ce faire, construire un immeuble biscornu et abattre la barrière d’arbres qui aurait protégé les futurs habitants des nuisances de la route d’Yverdon.
Au programme, donc: la démolition partielle du bâtiment existant et sa transformation pour créer trois logements, la construction de deux immeubles de respectivement cinq et onze logements, d’un parking souterrain pouvant accueillir 22 véhicules à quatre roues, 6 motos et 61 vélos, des places de parcs extérieures et l’abattage d’une dizaine d’arbres dont la moitié dépasse les 20 mètres de haut et est protégée par le règlement communal.
Au-delà d’une simple transformation
Certes, la maison d’origine n’est pas totalement rasée – le recensement architectural vaudois qui lui a attribué la note 3 en 2019 l’interdit – mais elle est tellement prise en sandwich entre les deux nouveaux immeubles que, du point de vue de la (non)sauvegarde du patrimoine, cela revient quasiment au même. D’autant que les travaux prévus (modification des ouvertures de façades, pose de Vélux, etc.) vont bien au-delà d’une simple transformation. Car il est impossible de conserver les façades en agrandissant les ouvertures et en démolissant la toiture, ce qu’il est prévu de faire. Autrement dit, la maison sera démantelée pièce par pièce. A la fin des travaux, il ne restera plus que quelques pierres de la bâtisse d’origine. Dans le jargon architectural, on appelle ça une «démolition-reconstruction». Bien pratique sachant qu’une démolition en bonne et due forme n’aurait pas permis de reconstruire un bâtiment au même endroit en raison de la proximité du Talent.
La création d’un passage au rez-de-chaussée et de loggias à l’étage finiront de dénaturer le tout. Adieu aussi les tablettes saillantes qui décorent certains encadrements et la jolie galerie en bois qui agrémente la façade nord-est. Bref, tout ce qui a permis à cette ancienne bâtisse d’être recensée par le Canton et d’obtenir la note 3 disparaîtra. A ce titre, le courrier envoyé à la Municipalité par la Direction de l’archéologie et du patrimoine en 2019 – qui raconte aussi l’histoire de la maison – est clair: «Cette note désigne un objet intéressant au niveau communal et méritant d’être conservé. Des modifications peuvent y être envisagées pour autant que les qualités qui ont justifié sa note ne soient pas altérées». Ce qui n’est manifestement pas le cas du projet proposé. L’article 3.2 du règlement communal sur l’aménagement du territoire et des constructions précise, quant à lui, que la note 3 n’autorise que des «transformations modestes». On en est loin.
La parcelle défigurée, le tilleul menacé
Le projet ne respecte pas davantage les qualités du lieu mises en avant par le Canton. Car la note 3 ne concerne pas seulement le bâti mais bien l’ensemble de la parcelle. La Direction du patrimoine précise en effet que la maison se distingue aussi par sa situation: «Son implantation en bordure du Talent, sur une vaste parcelle arborisée encore vierge de toute construction, donne à l’ensemble un intérêt avant tout urbanistique. A cet égard, l’Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (ISOS) qualifie Echallens d’importance régionale et recommande la préservation de ce périmètre».
Certes, les nouveaux immeubles ne pouvant légalement être situés à moins de 20 mètres d’un cours d’eau, le cordon boisé qui longe le Talent est épargné, de même que le majestueux tilleul centenaire qui jouxte la maison. Il pourrait toutefois s’agir d’un leurre, car l’excavation de la rampe qui mènera au parking souterrain risque bien d’impacter fortement les racines de l’arbre et les travaux de transformation prévus sur la maison actuelle nécessiteront d’amputer fortement sa couronne (lire l’analyse de notre expert). Pour le reste, presque tous les arbres seront abattus. Ils seront remplacés, c’est vrai. Mais il faudra plusieurs décennies avant qu’ils n’atteignent la taille de ceux présentés sur les images de synthèse mises en avant par les promoteurs du projet.
Bref, on est loin, très loin des recommandations fédérales de l’ISOS qui préconise de préserver le caractère de cette zone verte et «la conservation intégrale de toutes les composantes du site et de tous les espaces libres».
La spéculation va-t-elle l’emporter sur la préservation?
Echallens ne possède que deux périmètres classés «A» par l’ISOS et pour lesquels un «objectif de sauvegarde maximal» a été émis. La parcelle 335 du chemin de la Pépinière 1, avec sa belle maison, son ancien verger et ses arbres immenses emplis du joyeux gazouillis des oiseaux sous lesquels passent chaque jour de nombreux Challensois à pied ou à vélo, fait partie de l’un d’eux. Faut-il la laisser détruire par un projet si ouvertement spéculatif et irrespectueux du site et de ses caractéristiques? Ne pourrait-on imaginer pour cette parcelle un projet plus modeste et harmonieux?
Tels sont les arguments que l’Association pour la Sauvegarde d’Echallens entend mettre en avant dans son opposition à ce projet de construction.
La décision, elle, appartiendra à la Municipalité.
- Corinne Bloch -
Si vous souhaitez vous opposer à la destruction du patrimoine challensois et au projet de construction mis à l’enquête au chemin de la Pépinière cliquez sur le bouton ci-dessous
Posted: 10 juin 2021 by ASE
Deux ans après le premier, un nouveau projet immobilier menace l’un des derniers fleurons du patrimoine challensois
Le plan d’Affectation communal n’ayant toujours pas défini d’objectifs clairs de protection pour la maison et le parc du chemin de la Pépinière 1, le projet prévoit la construction de 19 appartements et la disparition de presque tout le parc actuel. Au nez et à la barbe des recommandations du Canton et de la Confédération qui préconisent la sauvegarde maximale de cet écrin de verdure au centre d’Echallens.
L’avantage, avec le projet de construction prévu au chemin de la Pépinière 1 et mis à l’enquête jusqu’au 20 juin prochain, c’est qu’il ne prétend pas être autre chose que ce qu’il est, à savoir un projet purement spéculatif. Un coup d’œil aux plans suffit à s’en rendre compte: du grand parc bucolique composé d’une quinzaine d’arbres, avec sa belle maison ancienne au centre, il ne restera rien. Tout ce qui pourra être bétonné, selon les dispositions en matière de police des constructions, le sera jusqu’au moindre centimètre. Même s’il faut, pour ce faire, construire un immeuble biscornu et abattre la barrière d’arbres qui aurait protégé les futurs habitants des nuisances de la route d’Yverdon.
Au programme, donc: la démolition partielle du bâtiment existant et sa transformation pour créer trois logements, la construction de deux immeubles de respectivement cinq et onze logements, d’un parking souterrain pouvant accueillir 22 véhicules à quatre roues, 6 motos et 61 vélos, des places de parcs extérieures et l’abattage d’une dizaine d’arbres dont la moitié dépasse les 20 mètres de haut et est protégée par le règlement communal.
Au-delà d’une simple transformation
Certes, la maison d’origine n’est pas totalement rasée – le recensement architectural vaudois qui lui a attribué la note 3 en 2019 l’interdit – mais elle est tellement prise en sandwich entre les deux nouveaux immeubles que, du point de vue de la (non)sauvegarde du patrimoine, cela revient quasiment au même. D’autant que les travaux prévus (modification des ouvertures de façades, pose de Vélux, etc.) vont bien au-delà d’une simple transformation. Car il est impossible de conserver les façades en agrandissant les ouvertures et en démolissant la toiture, ce qu’il est prévu de faire. Autrement dit, la maison sera démantelée pièce par pièce. A la fin des travaux, il ne restera plus que quelques pierres de la bâtisse d’origine. Dans le jargon architectural, on appelle ça une «démolition-reconstruction». Bien pratique sachant qu’une démolition en bonne et due forme n’aurait pas permis de reconstruire un bâtiment au même endroit en raison de la proximité du Talent.
La création d’un passage au rez-de-chaussée et de loggias à l’étage finiront de dénaturer le tout. Adieu aussi les tablettes saillantes qui décorent certains encadrements et la jolie galerie en bois qui agrémente la façade nord-est. Bref, tout ce qui a permis à cette ancienne bâtisse d’être recensée par le Canton et d’obtenir la note 3 disparaîtra. A ce titre, le courrier envoyé à la Municipalité par la Direction de l’archéologie et du patrimoine en 2019 – qui raconte aussi l’histoire de la maison – est clair: «Cette note désigne un objet intéressant au niveau communal et méritant d’être conservé. Des modifications peuvent y être envisagées pour autant que les qualités qui ont justifié sa note ne soient pas altérées». Ce qui n’est manifestement pas le cas du projet proposé. L’article 3.2 du règlement communal sur l’aménagement du territoire et des constructions précise, quant à lui, que la note 3 n’autorise que des «transformations modestes». On en est loin.
La parcelle défigurée, le tilleul menacé
Le projet ne respecte pas davantage les qualités du lieu mises en avant par le Canton. Car la note 3 ne concerne pas seulement le bâti mais bien l’ensemble de la parcelle. La Direction du patrimoine précise en effet que la maison se distingue aussi par sa situation: «Son implantation en bordure du Talent, sur une vaste parcelle arborisée encore vierge de toute construction, donne à l’ensemble un intérêt avant tout urbanistique. A cet égard, l’Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (ISOS) qualifie Echallens d’importance régionale et recommande la préservation de ce périmètre».
Certes, les nouveaux immeubles ne pouvant légalement être situés à moins de 20 mètres d’un cours d’eau, le cordon boisé qui longe le Talent est épargné, de même que le majestueux tilleul centenaire qui jouxte la maison. Il pourrait toutefois s’agir d’un leurre, car l’excavation de la rampe qui mènera au parking souterrain risque bien d’impacter fortement les racines de l’arbre et les travaux de transformation prévus sur la maison actuelle nécessiteront d’amputer fortement sa couronne (lire l’analyse de notre expert). Pour le reste, presque tous les arbres seront abattus. Ils seront remplacés, c’est vrai. Mais il faudra plusieurs décennies avant qu’ils n’atteignent la taille de ceux présentés sur les images de synthèse mises en avant par les promoteurs du projet.
Bref, on est loin, très loin des recommandations fédérales de l’ISOS qui préconise de préserver le caractère de cette zone verte et «la conservation intégrale de toutes les composantes du site et de tous les espaces libres».
La spéculation va-t-elle l’emporter sur la préservation?
Echallens ne possède que deux périmètres classés «A» par l’ISOS et pour lesquels un «objectif de sauvegarde maximal» a été émis. La parcelle 335 du chemin de la Pépinière 1, avec sa belle maison, son ancien verger et ses arbres immenses emplis du joyeux gazouillis des oiseaux sous lesquels passent chaque jour de nombreux Challensois à pied ou à vélo, fait partie de l’un d’eux. Faut-il la laisser détruire par un projet si ouvertement spéculatif et irrespectueux du site et de ses caractéristiques? Ne pourrait-on imaginer pour cette parcelle un projet plus modeste et harmonieux?
Tels sont les arguments que l’Association pour la Sauvegarde d’Echallens entend mettre en avant dans son opposition à ce projet de construction.
La décision, elle, appartiendra à la Municipalité.
- Corinne Bloch -
Si vous souhaitez vous opposer à la destruction du patrimoine challensois et au projet de construction mis à l’enquête au chemin de la Pépinière cliquez sur le bouton ci-dessous
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