Massacre à la tronçonneuse au Larrit: les Challensois en colère

Nom­breux sont les arbres du Lar­rit qui ne ver­ront pas le joli mois de mai. Ils ont été abat­tus la semaine dernière pour faire place aux pel­leteuses et machines de chantiers des­tinées à «rena­tur­er» les étangs de la réserve. Bien qu’«acceptable» selon Pro Natu­ra, le pro­jet est, pour beau­coup de Chal­len­sois excédés par la dis­pari­tion des grands arbres, la goutte d’eau qui fait débor­der le vase. Notre asso­ci­a­tion a suivi le dossier et apporte quelques expli­ca­tions en guise de consolation.

Vous êtes nom­breux, depuis plusieurs semaines, à nous écrire pour nous faire part de vos inquié­tudes con­cer­nant le pro­jet de «renat­u­ra­tion» prévu au Lar­rit. Vous êtes plus nom­breux encore, depuis quelques jours, à nous con­tac­ter pour nous faire part de votre colère depuis qu’une par­tie des arbres de la réserve ont été abat­tus la semaine dernière.

Colère et révolte

Cer­tains d’entre vous par­lent de «car­nage» et s’indignent de voir l’endroit «labouré» et «en voie de destruc­tion». D’autres se dis­ent «écœurés», «out­rés» ou «révoltés par le peu de respect dont on fait preuve à l’égard du vivant». D’autres encore dénon­cent une «com­mune déli­rante» et «une bande d’assassins». Une Chal­len­soise s’indigne de voir par­mi les arbres abat­tus des «noy­ers plan­tés et payés par nos impôts il y a 5 ans», tan­dis qu’un mon­sieur s’offusque que les coupes aient été réal­isées «pen­dant la péri­ode de développe­ment des oisil­lons et des têtards». Beau­coup de désar­rois et de tristesse aus­si sur Face­book: «Aujour­d’hui, je suis en deuil. Pour moi, c’é­tait un lieu sacré! Ils l’ont détru­it sans aucun remords», écrit une jeune femme.

De sin­istres moignons rem­pla­cent désor­mais les arbres qui s’él­e­vaient autre­fois au bord du chemin qui lon­gent les étangs du Lar­rit. Ces troncs ont été lais­sés là pour favoris­er une éventuelle repousse ou un dépérisse­ment favor­able aux organ­ismes xylophages.

La goutte d’eau qui fait déborder le vase

Nous aus­si sommes affligés de voir ce lieu mag­nifique se trans­former! Le Lar­rit était une zone très appré­ciée des Chal­len­sois. Il faut dire qu’elle était mag­nifique, avec ses étangs rem­plis de nénuphars, de grenouilles et de libel­lules, à quelques cen­taines de mètres à peine du cen­tre-ville. Sans aucun doute le lieu le plus bucol­ique de notre com­mune qui, depuis quelques années, a vu une par­tie de ses espaces verts dis­paraître au prof­it des con­struc­tions et a assisté à l’a­battage de nom­breux de ses grands arbres. Dès lors, pour beau­coup de Chal­len­sois, la trans­for­ma­tion du Lar­rit est la goutte d’eau qui fait débor­der le vase.

Nous sommes d’autant plus déçus que notre asso­ci­a­tion est en con­tact depuis plusieurs semaines avec la Munic­i­pal­ité afin de mieux com­pren­dre le pro­jet. A notre demande, et dans le but de mieux vous informer, une ren­con­tre sur place avec les per­son­nes en charge du pro­jet au niveau com­mu­nal et can­ton­al a été agendée au 15 mai. Per­son­ne, toute­fois, ne nous avait aver­tis que les arbres auraient alors disparus!

Des dangers bien réels

En atten­dant, voilà les infor­ma­tions que nous avons déjà pu réu­nir et qui, peut-être, vous con­soleront un peu. Tout d’abord, cer­tains des amé­nage­ments prévus au Lar­rit, même s’ils nous attris­tent, sont indis­pens­ables pour des raisons de sécu­rité. D’une part, une par­tie des arbres abat­tus – pas tous, cela dit! – étaient des frênes malades, en par­ti­c­uli­er ceux situés le long du chemin. Or, de l’avis des experts inter­rogés, un frêne malade représente un réel dan­ger pour les promeneurs du fait qu’il peut s’effondrer d’un coup. D’autre part, il sem­blerait qu’un glisse­ment de ter­rain men­ace la falaise qui sur­plombe le ruis­seau. Il est donc indis­pens­able, selon les ingénieurs, de déplac­er le lit du Lar­rit vers l’ouest et de con­solid­er la falaise avec un apport de matéri­aux à sa base. Enfin, selon les expli­ca­tions que nous avons reçues de la Munic­i­pal­ité, un col­lecteur d’eaux usées passe actuelle­ment sous les étangs. En cas de fis­sure, ce sont donc plusieurs mil­liers de litres d’eau pro­pre qui seraient envoyées à la STEP, rai­son pour laque­lle la com­mune souhaite déplac­er cette con­duite dans le lit actuel du Lar­rit au pied de la falaise.

Et la «renaturation» alors?

Il faut aus­si savoir que, mal­gré son apparence sauvage, la réserve du Lar­rit est en réal­ité forte­ment arti­fi­cial­isée. Les travaux prévus, nous assure-t-on à la com­mune, enten­dent ramen­er le cours d’eau à un état plus naturel et restau­r­er son équili­bre écologique. Des amé­nage­ments per­me­t­tront aux pois­sons, par exem­ple, de remon­ter le ruis­seau, amélio­rant ain­si leur migra­tion. D’où le mot «renat­u­ra­tion», certes sur­prenant au vu de la «dénat­u­ra­tion» actuelle du Lar­rit. Un mal pour un bien? Info ou intox? Quel est réelle­ment le risque d’une fis­sure dans le col­lecteur qui passe sous les étangs? Et celui d’un affaisse­ment de la falaise? Ceux-ci suff­isent-il à jus­ti­fi­er l’abattage d’un nom­bre impor­tant d’arbres qui, eux, étaient en pleine san­té? La com­mune et le can­ton vont-ils prof­iter de ces travaux pour chang­er l’af­fec­ta­tion de cette zone pais­i­ble jusque-là dévolue aux promeneurs soli­taires? Car si le pro­jet promet des amé­nage­ments des­tinés à favoris­er le retour de la faune, il prévoit aus­si des promon­toires, des tables d’ob­ser­va­tion, des pan­neaux didac­tiques pour les class­es et une grotte pour les enfants. De quoi faire fuir les ani­maux! Bref, le pro­jet prévu au Lar­rit est-il pertinent?

Découpés et entassés: les arbres du Lar­rit ont été sac­ri­fiés à la “renat­u­ra­tion” du lieu…

Un projet «acceptable», selon Pro Natura

Pour répon­dre à ces ques­tions, nous avons con­tac­té l’organisation de pro­tec­tion de la nature Pro Natu­ra Vaud qui, après avoir vis­ité la réserve du Lar­rit et étudié le pro­jet, estime que, au vu des enjeux, celui-ci est «accept­able». «Nous n’intervenons que si c’est une cat­a­stro­phe, ce qui n’est pas le cas», explique son secré­taire, Michel Bon­gard. L’expert n’est pas non plus choqué par la péri­ode d’abattage choisie par la com­mune, sachant que si les arbres se coupent de préférence en hiv­er, il aurait été pire de les abat­tre plus tard, lorsque le feuil­lage est dense, soit en pleine péri­ode de nid­i­fi­ca­tion. «La réserve s’en relèvera, de même que les têtards», assure-t-il. «Aux abor­ds des étangs, la végé­ta­tion repousse par­ti­c­ulière­ment vite et le fait d’y apporter plus de lumière ne peut que favoris­er le développe­ment d’autres espèces». Quant aux amé­nage­ments prévus pour accueil­lir les class­es, Michel Bon­gard rap­pelle que les chiens non tenus en laisse – comme c’est sou­vent le cas au Lar­rit! – sont plus néfastes pour la faune que les écoliers.

La fin d’une époque

Un pro­jet «accept­able», donc. Autrement dit: pas cat­a­strophique, du fait qu’il est suivi de près par les ser­vices can­tonaux de l’environnement qui sont plutôt éco­los. Mais pas grandiose non plus, puisqu’il s’agit avant tout d’un pro­jet d’ingénieur auquel il risque bien de man­quer une touche paysagère. Si on était à l’école, le pro­jet prévu au Lar­rit aurait peut-être tout juste la moyenne. C’est assez, cela dit, pour ren­dre dif­fi­cile toute oppo­si­tion. D’autant qu’il a été mis à l’en­quête l’an­née dernière et que per­son­ne, alors, n’a ten­té de l’empêcher.

Ce qui est sûr, c’est que la réserve du Lar­rit telle que les Chal­len­sois l’ont con­nue n’existe plus, qu’elle va subir encore d’importantes mod­i­fi­ca­tions et qu’il fau­dra du temps pour qu’elle retrou­ve son aspect sauvage. Il y a là, en effet, large­ment de quoi être triste.

Les travaux de renat­u­ra­tion prévu au Lar­rit ont néces­sité d’a­bat­tre la plu­part des arbres, pour­tant en pleine san­té, qui bor­daient le ruis­seau; il ne reste aujour­d’hui plus que des souches.

Pour info: l’Association pour la Sauve­g­arde d’Echallens con­tin­uera à suiv­re le pro­jet de «renat­u­ra­tion» du Lar­rit et à tenir les Chal­len­sois infor­més. Elle va égale­ment lancer, dès ce mois, une série d’ar­ti­cles, de réflex­ions et d’ini­tia­tives sur l’amé­nage­ment des espaces verts et la pro­tec­tion des grands arbres dans notre com­mune. Si cette thé­ma­tique vous intéresse, n’hésitez pas à nous con­tac­ter et à nous rejoin­dre de façon plus active ! Nous sommes en quête de per­son­nes motivées. 

Association pour la sauvegarde d'Echallens | ASE
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